L'appartement 22

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L’appartement 22,
279 avenue Mohamed V,
MA-10000 Rabat,
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Cet obscur objet de représentation…
Par Muriel Enjalran

vendredi 5 septembre 2008

La femme, sujet et objet de représentation, est au cœur de l’œuvre de Julião Sarmento, révélant à travers elle, les mécanismes de construction d’images archétypales.
Dans Lacan’s Assumption, quatre séquences ou tableaux très cinématographiques se succèdent mettant en scène la même jeune femme à travers des actions et des décors différents.
Dans le premier tableau, la jeune femme nous lit une recette de gâteau au chocolat avec en arrière-plan une photographie de plage paradisiaque. Ce décalage est redoublé par son attitude : elle lit d’une voix sucrée et sensuelle ces instructions culinaires banales, jetant au spectateur des regards évocateurs.
Le second plan met en scène « les jambes » de cette jeune femme qu’elle croise et décroise assise dans un fauteuil de bureau. Ses mouvements sont accompagnés par un chant baroque en forme d’élégie. C’est un corps sans tête évoquant la « femme maîtresse » en talons aiguilles, à forte charge érotique. Ici comme dans ses peintures et dessins, la femme n’est qu’esquissée, elle n’a pas de visage, elle n’est qu’ombres et courbes. Le corps de la femme existe alors pour lui-même, indépendant, abstrait : il peut alors être le réceptacle et le véhicule de toutes sortes de projections et de fantasmes. Dans les autres tableaux, si le visage est visible, c’est celui du même modèle interchangeable, comme dans les sculptures antiques. Ainsi, l’image, la projection se substitue à une identité véritable.
Dans le troisième plan, l’on retrouve la jeune femme, ici « femme-enfant », assise à un bureau nous lisant une comptine qu’elle figure à l’aide de petits personnages : c’est l’histoire d’un meunier qui règne en maître sur sa ferme et sa femme comme le symbolise la taille de sa statuette. L’homme est propriétaire de ces biens comme de sa femme qui dans la chaîne des protagonistes vient après la vache. Figure de la femme enfant, il faut que la femme “fasse” l’enfant (comme on fait la bête) ici devant le regardeur masculin, (l’artiste – le démiurge).
Le film s’achève sur cette même jeune femme cherchant à reprendre désespérément son souffle (sa respiration : soit son esprit) sur une plage (décor artificiel) où monte la rumeur de jeux d’enfants : ainsi s’affirme l’artifice de l’image qu’il soit celui du décor ou celui de la présence physique ; en écho le son des cris des enfants annonce le cycle inexorable de la représentation de « la » femme pour l’homme : de la femme enfant à la femme enfantant.
En mettant ainsi en scène à travers différents mediums (la peinture, le dessin, la vidéo, la sculpture) un corps féminin fantasmé et incomplet, Julião Sarmento nous parle de la violence des représentations et ici de celles de la femme. « La » femme est pure différence, ou pure division, et c’est pourquoi elle n’existe pas selon « l’hypothèse » du psychanalyste Jacques Lacan, elle n’est qu’un ensemble de projections. Femme enfant, mère d’enfant, c’est dans ce trouble de jouissance que se décrivent les scénarios de l’homme. « Il y a une jouissance à elle, à cette « elle » qui n’existe pas, ne signifie rien ».
Le titre fait allusion bien sûr également à « l’assomption » de la vierge célébrant son passage de la mort à la vie, de la terre à la gloire de son Fils où elle gagne sa réalité corporelle accomplie et glorifiée. Femme en majesté, où elle va retrouver son fils en mère et amante. Ces tableaux de Julião Sarmento nous apparaissent dans leur objectivité comme des rapports où derrière le perçu (la femme) se montrent en creux les schèmes : l’homme et ses jeux de représentations des rapports sexuels.
M. E. Paris, septembre 2008
Lacan (J.) : « Dieu et la jouissance de la femme », Livre XX, Encore, Editions du Seuil, p.75